Heureux serez-vous si…

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« Heureux serez-vous si… »

            Il y a 35 ans, alors que j’étais encore étudiant, un prof de maths nous a demandé d’utiliser nos calculettes programmables pour déterminer le plus grand nombre de décimales de Pi, vous savez : 3,14… en nous précisant que l’exercice ne serait pas noté. Pour nous encourager il ajoute : « Ce ne sera pas facile et il faudra persévérer. Surtout ne lâchez rien, vous verrez c’est passionnant, vous allez toucher du doigt l’infini ».

Passionné d’informatique, j’ai relevé le défi et il aura fallu 1 semaine de calculs ininterrompus à ma calculatrice Ti57 pour obtenir 150 décimales. De retour en cours de maths la semaine suivante, nous étions peu nombreux à avoir expérimenté ces calculs et l’un de ceux qui n’avaient pas fait l’exercice interpela le professeur : « monsieur, à quoi ça sert de calculer Pi avec 150 décimales, on ne se sert au maximum que des 5 premières ! ». Sur un ton très agacé, le professeur lui a répondu : « Si on y va par là, alors à quoi ça sert de vivre ? ».

Longtemps je me suis questionné sur sa réponse. J’ai compris ensuite que l’enjeu n’était pas dans le nombre Pi mais dans le défi à relever pour mener à bien ce calcul, compte tenu des moyens très limités dont nous disposions à l’époque. Il nous fallait croire en nos capacités, rivaliser d’ingéniosité, persévérer et tout cela gratuitement puisque le devoir n’était pas noté. Quand j’ai commencé mon métier de chercheur, j’ai réalisé combien cette expérience avait contribué à forger ma vocation.

            Toutes nos actions, aussi petites soient elles, ont une conséquence que nous ne connaissons pas toujours sur nous, sur les autres, sur le monde. Suivre le Christ c’est développer notre capacité de donner un sens à ces actions, avec pour seul objectif celui de vivre la sainteté au quotidien comme nous le rappelle le pape François dans son exhortation « Gaudate et exsultate ». Le bonheur est à notre portée, et Jésus nous en donne la clé. C’est la bonne nouvelle révélée par les béatitudes, un message chargé d’Espérance que nous écoutons chaque année à la Toussaint :

 - Heureux les pauvres de cœur :

Non pas ceux qui baignent dans la misère, car la pauvreté imposée est un scandale et l'homme n'est pas fait pour la misère. Mais ceux qui ne sont pas gonflés par leur importance, qui ne sont pas bourrés du désir de posséder.

- Heureux les doux : Non pas les mollassons, les résignés, mais les solides, les patients. Ceux à côté de qui il est possible de vivre parce qu'ils ne prennent pas toute la place.

- Heureux ceux qui pleurent : Non pas les aigris, les réfugiés du fatalisme, ceux qui se répètent bêtement que c'est la volonté de Dieu, comme si Dieu voulait qu'on pleure ! Mais ceux qui, par amour, ont de la peine, ceux à qui l'autre est nécessaire.

- Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : Ni bourreaux, ni fanatiques de règlements. Mais ceux qui sont passionnés pour l'Homme, qui se battent pour qu'il puisse vivre debout, dans la dignité.

- Heureux les miséricordieux : Ni amnésiques, ni faibles. Mais des hommes qui n'enferment jamais autrui dans sa faute et lui offrent toujours les portes d'un avenir.

- Heureux les cœurs purs : Ni castrés, ni frigides, mais des êtres sans partage, pétris de simplicité. Des êtres d'un seul amour, d'une seule foi, et qui s'efforcent de lui être fidèles. Ceux qui sont transparents, ceux qui, devant Dieu et sa Parole, savent s'émerveiller.

- Heureux les artisans de paix : Ni muets, ni placides. Non pas ceux qui nivellent les difficultés, mais ceux qui consentent, avec leurs partenaires, à rechercher inlassablement, patiemment, des solutions, ceux qui sont source de réconciliation.

- Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : Non pas les fanatiques, ceux qui n'ont que Dieu à la bouche et la méchanceté sur les lèvres. Mais ceux qui s'engagent et vont jusqu'au bout de leur projet. Ceux qui prennent la Parole de Dieu au sérieux, ceux qui meurent pour que les tombeaux s'ouvrent.

- Je me suis permis de traduire avec mes mots la dernière béatitude : Heureux serez-vous si votre engagement pour les autres est total et gratuit, si vous vous donnez sans réserve chaque jour, jusqu’au bout et tout entier. Si vous aimez jusqu’à l’extrême…

            Par ces paroles Jésus nous explique que pour trouver le bonheur, il n’y a pas d’autre alternative que de suivre ce programme, même s’il va à l’encontre des pratiques du monde. Et depuis 2000 ans, nous savons que sur ce chemin, il n’y a pas de mort qui ne puisse devenir source de vie…

Aujourd’hui et en repensant à cette expérience évoquée plus haut, je répondrais à cet étudiant un peu perplexe : « Ça sert à ça de vivre : marcher vers la sainteté, c’est à dire fixer nos yeux vers le point d’horizon où se rencontre la vie des hommes et celle de Dieu… Ce ne sera pas facile et il faudra persévérer. Surtout ne lâchez rien, vous verrez c’est passionnant, vous allez toucher, gouter, sentir l’infini bonté de Dieu… ».

Tony


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