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Après l’étole et sa transversalité, regardons l’aube du diacre. Costume de scène ou costume de cène ? Les deux. La scène étant la mise en œuvre de la liturgie de la parole et la cène étant la représentation du dernier repas du Seigneur, réunis en un seul acte dans l’eucharistie.
Dans la perspective du baptême, nous sommes revêtus du Seigneur. Dans le prolongement de l’ordination diaconale, nous recevons l’aube comme vêture du Christ serviteur.
Dans le martyre du diacre Etienne, dont le souvenir est le premier au lendemain de la naissance de Jésus, nous participons au sacrifice, au baptême du sang.
Le baptisé revêtu du Christ.
St Paul, dans Galates, parle de revêtir le Christ. « Oui, vous tous qui avez été baptisé en Christ, vous avez revêtu le Christ. » Il fait un lien direct entre le baptême et le fait de revêtir le Christ. L’enfant reçoit un habit blanc dont il est revêtu au cours du baptême, signe de configuration au Seigneur. Ce lien entre habit blanc et baptême nous rappelle que ce dernier est le fondement de toute notre vie chrétienne. En effet, revêtir le Christ c’est recevoir une nouvelle identité, une nouvelle appartenance. Nouvelle identité dans le sens où ce sacrement nous consacre prêtre, prophète et roi. Prêtre par le don de notre vie, prophète par l’annonce de l’Evangile et roi par la dignité royale reçue du Christ. En tant que prêtre, le baptême confère au baptisé le sacerdoce commun des fidèles. Pas le sacerdoce ministériel mais le sacerdoce commun, qui fait de chaque baptisé une offrande au Père par le Fils dans l’Esprit, ainsi qu’il consacre sa vie reçue de Dieu.
Tout est donné au baptême. Non seulement le Christ nous revêt de son identité mais il nous fait entrer dans une nouvelle appartenance, celle du peuple immense des baptisés. Nous appartenons alors totalement au Christ, corps spirituel universel, en tant qu’unité dans la diversité.
L’aube, vêture du Christ.
L’ordination diaconale, comme toute ordination, est dans le prolongement du baptême. Tout ministère ordonné y plonge ses racines. Il est bon de le rappeler parce que l’ordination a tendance à occulter cela, à masquer le rôle fondateur du baptême. L’égale dignité de tous les baptisés se reflète dans toute la vie chrétienne, il n’y a pas de hiérarchie qui y soit rattachée. Le diacre, comme l’ensemble des ministères et des fidèles, se tient au service du Christ, donc de l’Eglise et du monde. Encore St Paul, dans les Ephésiens : « il vous faut être renouvelés par la transformation spirituelle de votre intelligence et revêtir l’homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité. » Il s’agit d’une transformation spirituelle nourrie par la lecture des Ecritures, la prière et la Parole de Dieu, ainsi que par les sacrements, transformation spirituelle accessible à tous selon sa propre intelligence afin de revêtir l’homme nouveau. Cette humanité nouvelle est offerte à toutes et tous en s’ajustant au Christ.
En ce qui concerne le diacre, les Actes au chapitre 6 lui assignent le service des tables. Les versets 4 à 6 du chapitre 13 de l’Evangile de Jean, lui assignent une autre particularité, le service du corps. En changeant de vêtement pour en revêtir un autre au lavement des pieds, « Jésus se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge dont il se ceint. » Cela peut ressembler à un tablier pour accomplir des tâches salissantes, « il verse ensuite de l’eau dans un bassin et commence à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. » Tout autant que le geste, l’attitude de Jésus est celle du serviteur, même en soi une attitude servile.
De toute sa vie, Jésus ne l’a jamais montré aussi ostensiblement. En cela, indéniablement, il offre une attitude qu’il destine à toutes celles et tous ceux qui se mettent au service des autres. En cela, il prophétise l’institution des sept. Avec le linge et l’eau il effectue un geste ordinaire des plus simples. Mais il lui donne une portée universelle : « ce que j’ai fait pour vous, faites-le-vous aussi. » Si Jésus s’adresse aux douze, à travers eux il s’adresse aux sept et à tous. Pour le diacre, ce service est spécifique avec le soin du corps, des pieds en l’occurrence. Ce faisant, il lui faut revêtir un habit, un linge adapté. L’aube est alors pour lui un vêtement, dont le Christ le revêt, lié au culte mais aussi au service des tables et des corps.
Ainsi l’aube réunit en une seule étoffe la liturgie sacramentelle et le service de l’humanité. Il ne peut y avoir de dichotomie entre les deux. La figure du diacre en est le signe pour tous les chrétiens, donc pour toute l’Eglise.
L’Eglise par le Christ le revêt de son aube, signe du serviteur, sans le dévêtir de tout ce qui fait son humanité. Ainsi elle prend en compte la totalité de la personne et avec lui la totalité du monde.
L’aube, costume de scène et de cène ?
Comme son nom l’indique, l’aube est blanche. En dehors de la dalmatique qui peut se superposer à l’aube dans les occasions solennelles, le diacre est en blanc. Ainsi seule l’étole donne la couleur liturgique.
Simplicité de la mise ? Certainement. En hommage aux pauvres que le diacre représente à l’autel.
Il est cependant indéniable de reconnaître qu’il est en représentation avec une certaine théâtralité.
La liturgie est l’expression publique du culte qui ne peut être privé et confidentiel puisqu’il concerne l’humanité entière convoquée en Christ. De sorte que la présence du diacre revêt alors un caractère public. Il est ainsi représentant de celles et ceux qu’il côtoie au jour le jour ainsi qu’il est aussi le représentant du Christ serviteur. A ce titre, il est ordonné, mandaté par l’Eglise pour être le serviteur de l’autel et de l’ambon.
La part de théâtralité doit être assumée. Quand il se tient à l’autel, dans une posture minimale puisqu’il prend peu la parole et qu’il sert peu le déroulement de l’eucharistie, la sobriété de ses gestes et de ses paroles n’en fait pas pour autant un serviteur inutile, absent. Sa prise de parole à la lecture de l’Evangile l’inscrit comme ministre de la Parole, serviteur du Verbe énoncé publiquement. Puis son commentaire de l’Ecriture le place en responsabilité de transmettre à tous, qui que ce soit, le sens de la Bonne Nouvelle en prise avec son temps.
L’autel étant en général légèrement surélevé pour une bonne vue du déroulement, il peut s’apparenter à une scène de théâtre. Les acteurs en sont les ministres ordonnés. Jouent-ils un rôle ? Certainement mais pas le leur. Ils actualisent, comme le souligne le rituel de la messe, en faisant mémoire du Seigneur, mémoire vivante, un évènement passé qui se perpétue pour l’éternité. La pièce qu’ils jouent dépasse les acteurs. Ce drame est le leur dans la seule mesure où ils parlent au nom d’un autre. Vous direz qu’il en est de même pour un acteur qui joue Shakespeare, la pièce de l’auteur. A la différence près que cet auteur-là n’a pas imaginé la pièce mais qu’il l’a vécu dans sa chair, sa mort et sa résurrection en vérité.
Par son ordination, le diacre est au service de la vie, dans les sacrements du baptême et du mariage.
Cet aspect de son ministère est essentiel où il tient un rôle actif. Le fait d’être au service de la vie n’est pas étranger à la vie même du diacre qui est lui-même marié et père, auteur de la vie.
Ainsi il célèbre pour les autres ce qu’il célèbre dans sa vie de tous les jours, par son mariage et le baptême de ses enfants. En effet, il parle et agit d’expérience dans ces deux sacrements. De la scène à la ville, il n’y a pas de séparation pour le diacre.
En descendant de l’autel, il retrouve celles et ceux pour qui il est ordonné. « Lorsqu’il eut achevé de leur laver les pieds, Jésus prit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que j’ai fait pour vous ? Dès lors, si je vous ai lavé les pieds…vous devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » Le diacre par toute sa vie interroge celles et ceux qu’il rencontre et les encourage à ressembler au Christ dans le service de la table et du corps.
Le baptême du sang.
Qu’est-ce que vient faire le baptême du sang dans cette méditation sur l’aube du diacre ?
Il est frappant de voir qu’au lendemain de la naissance de Jésus, l’Eglise fête le martyre d’Etienne, un des sept dont les Actes des apôtres rapportent l’institution. Ainsi le premier martyr pour le Christ est un diacre. Il est frappant également de voir que son martyre fait suite immédiatement à son institution.
Le récit nous donne la possibilité de connaître Etienne. Que voyons-nous de lui ? « Etienne, plein de grâce et de puissance … sagesse et l’Esprit qui marquaient ses paroles… » Ses dispositions spirituelles sont déjà énoncées dans les versets précédents : « hommes… remplis d’Esprit et de sagesse. » Puis les Actes nous donne son nom en premier dans la liste des sept : « on choisit Etienne, un homme plein de foi de d’Esprit Saint… » La personne du diacre s’inspire complètement de ses vertus, autant que faire se peut.
Etienne répond au Grand Prêtre par une longue exhortation sur l’histoire du peuple d’Israël en commençant par Abraham et continuant par Moïse, David et Salomon jusqu’au Juste, le Christ. Il poursuit : « Voici, dit-il, que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. » Autant le diacre est l’homme du service, autant il l’est de la parole. A sa façon, par son implication dans le monde, il apporte son regard et son discours teintés de la saveur de l’Evangile à tous. Etienne, comme pour tout chrétien à son baptême, reçoit l’esprit saint et le garde. La caractéristique du sacrement du baptême est le don de l’esprit, sous la forme du feu avec le cierge, de l’huile qui marque de manière indélébile, et de l’eau qui constitue et régénère l’ensemble du corps. Mais aussi le vêtement blanc, vêture du Christ qui enveloppe le baptisé.
Or justement, l’enjeu de la mort d’Etienne, c’est l’Esprit saint, « Hommes… toujours vous résistez à l’Esprit Saint » lance-t-il au Grand Prêtre. La description de la mort d’Etienne est édifiante : il rend son esprit, « Seigneur Jésus, reçois mon esprit » puis il ajoute une parole de pardon, comme son maître, « Seigneur ne leur compte pas ce péché. » En l’exemple d’Etienne, le diacre trouve un modèle de sainteté.
La raison du martyr est d’être témoin, dans son sens premier. Dans le sillage d’Etienne, tous les baptisés sont témoins du Christ. Baptisés dans l’Esprit avec pour signe l’eau, le feu, l’huile et le vêtement, ils le sont également dans le sang. Que signifie ce sang ? C’est le signe du don réel et total de sa vie, jusqu’à répandre son sang. Et si le diacre était un témoin ? Son aube, sa seconde peau, serait-elle son costume de cène ? Au service des tables, bien sûr. Mais plus encore, par son engagement physique et spirituel au service des autres. Son costume permet de l’identifier et de le reconnaître. Le diacre ne peut pas mettre sous cloche son ordination. Il est exposé à tous les vents, comme une interface entre le monde et l’Eglise, dans une posture de serviteur, le linge blanc sur les épaules comme un châle de prière et la serviette sur le devant pour essuyer les pieds. Les pieds des pauvres, sales et calleux, miséreux et puants qui n’ont pas posés les baskets depuis des jours à la recherche d’un asile, prêts à décamper…
Jean Luc Samuel, le 18 janvier 2022.\n\n[/cs_content_seo][x_gap size= »50px »][x_button size= »regular » block= »false » circle= »false » icon_only= »false » href= »http://paroissesaintmarcel-71.fr/#accueil » title= » » target= » » info= »none » info_place= »top » info_trigger= »hover » info_content= » »]Cliquez ici pour retourner sur le site …[/x_button][/cs_element_column][/cs_element_row][/cs_element_section][/cs_content]